Pédagogie du masque

Quand je cherche les images que j’ai du masque dans ma mémoire, je vois une foule de petits asiatiques en rue portant le masque et d’autre part une vue du haut d’un bloc opératoire avec une personne presque nue allongée et autour d’elles des chirurgiens et des infirmières en blouse et en cagoule : on devine bien qui est le plus fragile, le malade allongé. Et qui porte un masque ?  les soignants. En Asie, c’est pour se protéger de la pollution que le masque est devenu une habitude et au quartier opératoire, ce sont les soignants, pourtant réputés bien portants, qui portent un masque pour éviter de contaminer par des éventuels microbes le malade réputé fragile.
Le masque a donc pour première utilité de s’opposer à la dissémination du virus dans l’air expiré, notamment lors de la toux. La personne infectée multiplie le virus et le dissémine essentiellement par voie aérienne. Jusqu’à une distance d’environ un mètre, davantage lors de la toux, le virus  se dépose alors sur les objets environnants, essentiellement des surfaces de  mobilier et les vêtements qui vont alors rester des SOURCES de contamination pendant peut-être plusieurs heures. Il y a donc DEUX voies de contamination : respirer l’air expiré par une personne infectée (d’où la notion de distance de sécurité) et le contact avec des surfaces contaminées par nos mains que nous portons au visage, dont on doit se protéger par un lavage fréquent des mains.
On comprend dès lors que le premier qui doit porter un masque est la personne infectée, parce que c’est elle qui est la source et qu’il faut l’empêcher de disséminer le virus. On comprend aussi que le risque de nous infecter par le contact avec des objets contaminés est extraordinairement banal et démesuré parce que nous ignorons tout des objets que nous touchons et que le virus peut s’y trouver et survivre jusqu’à une dizaine d’heures. Dès lors, le port d’un masque nous protège d’une aspiration aérienne directe au contact d’une personne infectée, ce qui est une circonstance en réalité plutôt rare et contre laquelle nous pouvons  nous prémunir fortement en respectant une distance de sécurité.
Alors qui peut, doit porter un masque ?
D’abord absolument toutes les personnes susceptibles d’avoir contracté la maladie, d’être infectées et donc infectantes.
A commencer évidemment par celles qui ont été testées positives pour le virus, qu'elles aient été malades ou non. Pour le moment, il s’agit en Belgique d’environ 20.000 personnes, dont on sait qu’il ne s’agissait jusqu’ici que des personnes avec des symptômes très suggestifs d’une atteinte par le coronavirus. On estime que ce malade est infecté et contaminant pendant 15 jours-3 semaines. C’est donc pendant cette période qu’il DOIT porter le masque, et aussi observer toutes les autres attitudes de prudence comme de toucher des objets dans des lieux publics, au mieux de rester chez lui, et c’est là une première raison du confinement.
On dit que sur  5 personnes atteintes par le virus, il n’y en aurait qu’une qui développe la maladie, plus ou moins fort. Cela veut dire qu’il y a très probablement chez nous à ce jour 100.000 personnes infectées qui l’ignorent, dont une partie n'a présenté aucun symptômes et d'autres seulement quelques petits signes pendant un ou 2 jours : poussée de fièvre, toux sèche, perte du goût et de l’odorat (signe reconnu très typique), courbatures, … A ceux-là, et à tous ceux qui manifesteraient ces petits symptômes suggestifs, sont très probablement contaminateurs non symptomatiques, dangereux pour les autres, 
le confinement, doit être imposé ainsi que le masque dès qu'ils sortent.
Il est primordial de commencer par protéger la population d'abord contre les contaminateurs.
Ensuite, le personnel soignant, parce que ce sont les personnes qui par définition sont en première ligne pour DEVENIR infectés, le plus de « chances » d’être au contact de personnes infectées et donc de devenir infecté sans le savoir.
Si le nombre de masques est limité, il faut choisir de protéger ceux qui sont le plus à risque d’être infecté par voie aérienne. Et là, le principe doit être de le conseiller à toutes les personnes qui ont une haute fréquence de contact avec des inconnus non masqués, comme en premier lieu les caissières des magasins d’alimentation, les pharmacien(ne)s, les agents de la poste, les agents de police, les conducteurs ou accompagnateurs de transports en commun, … en gardant à l'esprit que c’est le contaminateur (certain ou potentiel) qui DOIT être masqué et vivre caché et que le risque d'être infecté l'est beaucoup plus par le transport du virus à son visage par ses propres mains contaminées par des objets (poignées de porte, barres de caddies, ....) que par la voie aérienne directe.
Mais si les masques sont disponibles pour tous, il est évident que le port du masque est une sécurité SUPPLÉMENTAIRE et que dans une société de libre circulation, il doit être obligatoire pour tous tant que le virus circule.

Pr Patrick Guérisse